Cyril Arnaud

Eros

Philosophie espiègle

φ

Un battement de cils
Et tu règneras sur une âme

Cette nuit-là,
Elle décida de replier
La carte du Tendre

« C’en est fini des hommes ! » s’écria-t-elle
Levant un poing vengeur
Disputes, trahisons, vengeances…
C’était trop de complexité

Elle les remplaça avantageusement par un
Vibromasseur amical et fidèle
En une forme olé olé
Du rasoir d’Ockham

Elle laissa un instant errer sa langue
Et fut frappée de ce que si petite cause
Puisse provoquer si grand effet

Elle aima être cause adéquate
Celle dont l'effet peut être clairement et distinctement
Expliqué par elle seule

Le désir incite à l’empirisme
Parfois même à la table rase

L’impératif catégorique ?
Une spécialité, à l’époque,
Des maisons closes de Königsberg

La chouette de Minerve, celle qui
Ne prend son envol qu’à la nuit tombée,
Entend parfois de drôles de bruits
Dans les fourrés

Le réel est rationnel
Et le rationnel est réel,
Excepté le soir
Dans les fourrés

Alors le vieil hibou dérangé en ses pensées
Fuit à tire d’ailes
Cette irruption du singulier
Dans l’universel

Chacune, à califourchon, choisit son emplacement
Et de quelques mouvements de bassin
Elles lui montrèrent que la division du travail
Accroît la productivité globale

En un claquement de doigt,
Cette jeune graphiste,
A califourchon sur le président du Sénat,
Venait de renverser l’échelle sociale

Hélas, Marx choisit l’esprit de sérieux
Plutôt que la voie érotique,
Seule révolutionnaire !

Elle s’en servit comme table basse
Les deux pieds sur son dos voûté
Un cendrier sur son crâne dégarni
Tandis qu’il méditait cette sagesse antique
Sic transit gloria mundi !

Il était d’une telle fougue
Qu’il accélérait l’érosion naturelle

Souviens-toi :
Tu trouveras réponse à tes questions
Si tu interroges
Ce qui coule de source

Il n’est pas donné
D’atteindre les profondeurs
Mais quel plaisir aussi
De s’ébattre en surface !

Pour se retenir et gagner du temps
Il se récitait des tables de conjugaison
Mais le passage à l’impératif
Le fit jouir sur-le-champ

« Le microcosme reflète le macrocosme »
Aimait-il rappeler
Devant la mine déconfite
De ses partenaires
Privilégiant d’autres épistémès

« Ce que tu embrasses et caresses sera à toi »
Le voici bientôt exproprié de lui-même :
Cette ardente amazone
Ne cherchait pas colocation

Ce naïf voulut suivre les règles de l'amour courtois
Avec une jeune dévergondée
Il lui offrit une rose
Tandis qu'elle ouvrait sa braguette
Déclama des vers pendant qu'elle le durcissait
Et lui proposa un rendez-vous galant
Au moment où elle vint

Narcisse, heureux thuriféraire
Des plaisirs solitaires,
Découvrit le sexe oral
Et se replia peu à peu sur lui-même

Le feutré n'était point son affaire
Il donna dans l'hélicoïdal
Exhibant triomphal sa plus grande fierté
Et sa joie de vivre

Quelqu’une l’invita à plus de retenue
Lui parlant pudeur, tabous et complexes
Mais déjà l’hélicoptère prenait son envol

Balayant pêle-mêle
L’allusif, l’équivoque et le sous-entendu
En une bourrasque salutaire :
Le délice, dans l’hélice !

D’un furtif coup de langue
Il tenta d’abolir la distance ontologique
De l’homme au divin

Dangereuse hybris ! Bien vite,
Une gifle le ramena
A l’humaine condition

Et à l’extatique contemplation
De cette cruelle déesse
Qui le tenait en laisse

Cet acte hardi le rangeait néanmoins
Dans la catégorie des Titans
Qui, dans les temps antiques,
Partirent à l’assaut de l’Olympe

Mais nul rhapsode,
Nul poète iambique,
Ne viendra conter sur les places publiques
L’hybris de la langue lubrique


[A suivre...]


Du même auteur